7, 8, 9, crois-tu qu’ils bluffent…

Renan Taggert revient, dans ce troisième opus contant ses glorieuses aventures (souvent plus subies que voulues). Une nouvelle enquête, bien sûr…

Smash the mirror“, disait le poète (en l’occurrence Pete Townshend) et visiblement, les reflets font plus qu’inverser les situations. Pourtant, une certaine logique règne en ces lieux chaotiques.  Je m’en voudrais de dévoiler plus l’envers du décor : voilà pourquoi je vous propose deux extraits piochés au début du livre, alors que l’univers confortable de Théo n’a pas encore tout à fait sombré dans ce que je n’hésiterais pas à qualifier de folie… Ah mais attention, pas une folie douce.

… ça va saigner !

(sortie annoncée : 20 janvier)

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Théo cédait enfin, il allait cesser ses atermoiements pour la combler — puis recommença la partition des gammes frustrantes sur les cuisses. L’amusette dura — une éternité, songea-t-elle — quelques longues minutes qui satisfaisaient pleinement le goût prononcé du jeu de son partenaire. Les ornements virtuels qu’il esquissait sur la peau de l’aimée se transformaient en autant de fils de braise. La jeune femme était étourdie par un besoin viscéral d’être empalée par la queue qu’elle imaginait raide et très dure. Elle tendit le bras en arrière pour la saisir afin de sentir les palpitations dans sa paume. Elle l’approcha de la fournaise de son sexe ruisselant ; le pieu devait impérativement éteindre son envie en la clouant si elle ne voulait pas devenir folle. Les flammes montaient désormais le long de son échine et vrillaient sa colonne vertébrale, la ployant sous l’effort des muscles tétanisés par la frustration.
Théo jubilait. Il se dégagea d’un mouvement de bassin de l’emprise des caresses sournoises tandis qu’il alla cueillir les seins de Lucy. Il bloquait ses poignets afin de l’empêcher de se branler — elle devait faire taire les élancements de son ventre coûte que coûte, alors qu’il refusait, quel salaud, de la baiser — tout en l’enveloppant de ses mains en conque. Une fois qu’il l’eut immobilisée, il plaqua son pubis contre ses fesses et glissa le serpent nerveux à la lisière de ses lèvres. Elle poussa un petit cri, enivrée par l’espoir d’être remplie du large membre. Malgré la prise ferme qui la paralysait, elle entreprit une habile reptation de manière à brusquer son tortionnaire et à aspirer la tête de l’aspic qui tapotait à son huis. Elle le sentit s’enfoncer avec délectation dans sa chatte, ventouse insatiable ; elle inspirait simultanément avec la bouche à l’unisson de sa vulve. Il se cambra pour s’échapper de ce doux piège. Elle trépignait. Le désir devenait douleur, jusqu’aux aréoles délicatement malaxées par des doigts prévenants qui la picotaient. Son corps entier n’était qu’un sexe en fusion.
Il la connaissait si bien. Il savait que le jeu devait finir. Il axa sa queue de façon à la glisser très profondément en elle, sans autre forme de politesse. Il fut — en contraste avec les attentions qui l’avaient portée au paroxysme de la tentation — très brutal quand il la baisa. Elle hurla qu’elle l’aimait, qu’il devait la défoncer, que le diable l’enculerait s’il ne s’en chargeait pas sur l’heure. Elle jouit sous les coups violents. Il la labourait avec passion ; il maintint son bassin tandis qu’il la besognait avec ardeur. Elle le supplia de continuer, encore et encore, prétextant qu’une telle salope ne méritait que ça. Il bafouilla qu’il était fou d’elle, tout en cabrant, dans un sursaut ultime, tout son corps contre les fesses de sa chère compagne. Ils crièrent ensemble à l’instant où l’orgasme les terrassa.
Tandis qu’il reprenait douloureusement sa respiration, il avait l’impression que les murs vibraient toujours de leur coït. Des sortes de répliques, pensa-t-il avec ironie, quelques microséismes résiduels qui feraient écho à l’explosion de leur union. Les vitres chantaient une mélopée envoûtante, lui semblait-il. Lucy ne disait rien. Elle avait les yeux mi-clos et paraissait sereine, comblée, satisfaite de sentir le poids de Théo vaincu sur elle.

[…]

2
L’ambianceur était presque nu. Le studio était surchauffé, de manière à accueillir dignement le public naturiste habitué à acclamer son animateur vedette, l’icône préférée des Français de tous âges et de toutes conditions sociales, celui qui avait décidé que le jeu qu’il présentait ne serait plus diffusé s’il n’était pas en phase avec la mode du moment ; la mode du moment était une volonté de retour à des valeurs saines, ancestrales, à la gymnité édénique, celle du père de toute l’humanité, et d’une de ses compagnes créées par Celui-Qui-Va-Revenir.
« Mesdames et messieurs, je vous demande d’applaudir comme il le mérite le magnifique, l’unique, le divin Maximilien Saint-Jones. Mesdames et messieurs, Maximilien Saint-Jones. »
Saint-Jones entra en courant sur le plateau. Il contempla avec une certaine joie ces humbles venus lui assurer qu’il avait changé leur vie, la tristesse de leur quotidien. Saint-Jones n’était pas mégalomane puisqu’il était le dieu de ces pauvres gens. Cette pensée lui traversa l’esprit, lorsqu’il surprit l’œillade chargée de mépris de Rémy, tandis que celui-ci battait frénétiquement des mains afin d’impulser la fureur dans le public pourtant déjà en pâmoison. Saint-Jones se promit de virer ce malpropre, cet homoncule qui ne rendait pas l’hommage dû à son statut. Il était Saint-Jones, par Aldonse Qui-Fît-Tant-Souffrir, nom de Celui-Qui-Va-Revenir, Saint-Jones, Saint-Jones… Son patronyme même était du miel pour les ouïes défaillantes des vieillardes édentées du premier rang. Elles exhibaient fièrement des autocollants à l’effigie de Maximilien Saint-Jones qui paraient d’infertiles tétines flasques cheyant sur leur ventre veiné de vergetures.
« Bonsoir ! Merci de nous accueillir, chez vous, pour une nouvelle émission de votre jeu préféré : un bâillon tout neuf. »
À l’énoncé du titre de ce défi télévisuel, les occupants des plus hautes banquettes qui lui faisaient face sautèrent sur place, mettant en péril la bonne tenue des gradins. La foule hystérique témoignait de sa passion virulente pour le concept révolutionnaire dont il était le créateur — Maximilien Saint-Jones est un génie — et le producteur en plus d’en être le si talentueux animateur. Tandis qu’il se régalait de l’accueil réservé à lui-même, il avança la main vers le rideau à sa droite ; il regrettait de ne pas être aussi Miss Faimvalle, la charmante jeune fille mannequin de son état, qu’il désignait ainsi. Elle arborait pour seul vêtement sur sa silhouette décharnée un ruban de cuir serrant entre ses lèvres entrouvertes une poire d’angoisse.
Rémy, qui en pinçait pour elle, ne pouvait pas cacher l’érection que provoquait chez lui la vue du bâillon luisant. Miss Faimvalle minaudait, gracile et virevoltante, ce qui accentua encore la tension de la queue du chauffeur. Une invitée du public profita de son passage au plus près d’elle pour engloutir la bite offerte si complaisamment ; Rémy se dit… Non, il n’eut pas le temps de se dire quoi que ce soit, car Maximilien Saint-Jones avait déjà rejoint sa stèle pour lancer la première épreuve du jeu télévisé le plus populaire de tous les temps.

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Des joies simples …

Classement des meilleures ventes de eBooks le 15/08/2016

Voilà !

Sur un podium étendu, Lizzie est très présente et cela me ravit. Je précise néanmoins que je ne suis pas un compétiteur, mais j’avoue un plaisir certain ressenti quand je vois ces illustrations presque identiques qui se suivent de la deuxième à la cinquième place. “Lizzie et l’œil de Néfertiti” n’est pas loin (quinzième du classement). ***

Ok, mais la première place m’échappe, me direz-vous !

Je répondrai : “oui, mais non !” Je la partage en effet avec quelques plumes alertes et élégantes qui rivalisent de talent dans ce recueil que je vous conseille ardemment. Vous trouverez à la fin de ce post le lien qui vous dira tout à propos de ces auteurs. Voici, en attendant, une modeste “mise en bouche”, un extrait du texte écrit pour l’occasion : “Le chef d’orchestre”

Extrait :

La chape de plomb n’était pas insonorisée, mais nous n’en avions cure. De trille en trille, Grace-Eugénie exprimait ma musique, la métamorphosant en cantate céleste. Le lit battait la mesure contre la cloison creuse et la cadence obtenue nous exhortait à enchaîner les mouvements. Chaque phrasé ne durait pas plus de deux minutes ; celles-ci semblaient une éternité tant le silence qui lui succédait, perturbé subtilement par nos souffles bouleversés, était une partie essentielle du récital amoureux auquel nous nous nous adonnions.
Je ne me lassais pas de nos joutes mélodieuses. Je voulus aller plus loin encore et explorer des tonalités jusqu’alors inconnues. Le tambour du mur, le froissement des draps, nos voix mêlées… De compositeur, je m’improvisai chercheur. À mon avis, il manquait un ou plusieurs artifices dont les ondes acoustiques combleraient nos sens enivrés. J’imaginais que Grace-Eugénie partageait mes doutes et qu’elle applaudirait aux innovations que j’introduirais dans la partition
J’avais tort.
Je voulus, dans un premier temps, remplacer ma baguette par un substitut vibrant. L’excitation était là, sans aucun doute. Je bandai tandis que ma partenaire jouissait bruyamment. Elle me caressait, bien sûr, mais je ratai mon entrée et les dissonances vinrent se superposer aux vrombissements du godemichet. Une cacophonie sans nom creva nos tympans mélomanes. Grace-Eugénie profita de mon trouble pour me susurrer quelques idées à propos des costumes de scène. Je ne répondis rien. J’estimais être le seul à avoir les connaissances suffisantes… et le talent, que dire de mon talent ? J’avais révolutionné l’art lyrique, bon sang ! Ce n’était pas une petite traînée un tant soit peu douée d’une compétence particulière qui mettrait en doute mon génie. Elle demandait que nous revêtions des tenues ridicules — du latex noir, quelle vulgarité — et que je la fouettasse lorsque je la baisais !
« Je ne fais pas dans le vaudeville, ma chère ! Je suis un musicien, pas un clown. Rejoignez le premier cirque qui passe si vous voulez tant que ça vous faire baiser par un joueur de mirliton ! »
Elle pleura beaucoup.
Tandis qu’elle s’épanchait en de vulgaires gargouillis sans intérêt, je la besognai pour comprendre en quoi mes expérimentations ne donnaient rien de bon. Elle jouit sans conviction et ne réussit pas à clore son envolée, celle-là même qui la rendait si précieuse pour un musicien de ma trempe. Je biffai d’un trait rageur trois feuillets de ma partition, détruisant plusieurs mesures de vocalises. La position fut changée elle aussi ; la choriste devrait désormais se doigter pendant que j’étoufferai de mon organe les sons résultants de ce jeu brutal. Ce pizzicato fit son effet. La voix assourdie par ma queue devenait ostinato ; je modulai seul et libre une mélopée que les trépidations de la gorge asphyxiée accompagnaient subtilement. Le professionnalisme de Grace-Eugénie était mis à rude épreuve, mais elle m’épargna le coup de dent vengeur.
Je jubilai. Cette pièce était encore plus innovante que tout ce que j’avais composé depuis mes débuts. Il avait suffi que j’inverse les rôles. Je serais à l’avenir tout à la fois, instrumentiste rythmique, soliste et chanteur. À ma partenaire revenaient les basses qui enrobaient la musique… MA musique.
Grace-Eugénie m’avoua longtemps après que le bâillon ne lui déplaisait pas. Elle rêvait tant d’une poire d’angoisse que ce substitut l’avait fait patienter. Elle persistait pourtant à penser que mes œuvres devenaient trop abstraites pour être réellement intéressantes. Béotienne ! Je lui demandais cyniquement si les quelques mesures pendant lesquelles je câlinais pianissimo ses seins et son dos étaient si « abstraites » que ça. Elle ne répondit pas. Elle me quitta bientôt pour un histrion, un phénomène de foire travesti hululant lors de concerts de trash métal vulgaire et insipide. Grace-Eugénie avait délaissé le génie pour l’inélégance. Elle ne me méritait pas.

Retrouvez ce texte en très bonne compagnie (RosaBonnet, Jean Darmen, Louise Laëdec, Noann Lyne, Fêteur de Trouble, Wen Saint-Clar et Monsieur K.) dans le recueil “Fantasmes 2 – L’Auto-stoppeuse / Le Musicien” paru chez DOMINIQUE LEROY ebook dans la Collection e-ros & bagatelle

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*** Révision du 22 août 2016 :

16.08.22 Lizzie

youpi !